La Peur

Publié le par Sakura Dojo

Mais qu'est-ce que la peur ?  
C'est une émotion qui crée deux mondes d'illusions où chacun se retranche derrière sa propre explication du monde :  
Les uns, parce qu'ils sèment la peur, se fortifient dans le rôle du "prédateur" et se délectent essentiellement de l'effet produit sur l'apeuré, ou la "proie".  
Les autres, parce qu'ils nourrissent la peur, creusent les tranchées de l'incompréhension, instinct de défense essentiel qui réveille en nous l'inconscient collectif de la guerre de tranchées.
Dans les deux mondes, celui du prédateur et celui de la proie, la capacité de raisonner fait place à l'instinct de survie et aucune communication n'est plus possible... C'est l'escalade qui nous emmène bien loin des compromis. Ceux-ci ne sont permis que dans le cadre d'échanges diplomatiques, or une peur semée et nourrie nous plonge dans un univers de sauvagerie dont est exclue toute forme de maîtrise de soi...  
C'est là qu'intervient l'art de l'Aïkidô...  
La clef de voûte de l'enseignement et de l'éducation de l'Aïkido repose sur l'observation stricte d'une étiquette qui établit les bases de rapports humains fondés sur le respect de soi-même et d'autrui. Ainsi l'on fait du salut mutuel et des remerciements réciproques une habitude saine qui, par le bénéfice de la répétition quotidienne, vient remplacer efficacement toutes les velléités entre personnes et l'usage malheureusement banalisé d'injures au sein de certains groupes-classes. C'est en quelque sorte l'apprentissage de la diplomatie, mutuellement consentie et appliquée par chaque membre du groupe.
En effet, dans une situation d'agression, notre esprit, volontairement tourné vers le cartésianisme, a tendance à considérer que l'on y rencontre autant de vainqueurs que de vaincus. Or, il n'en est rien: en réalité, nous avons deux tiers de chances d'être vaincus pour un tiers seulement d'être vainqueurs sur le plan des statistiques! Par exemple, en combat singulier, soit nous tuons l'ennemi; soit il nous tue; soit nous nous tuons mutuellement! La plupart des voies et arts martiaux visent à réduire les chances d'être vaincu; seul l'Aïkido enseigne la voie la plus sage du point de vue stratégique, à savoir la diplomatie. Tous les entraînements démontrent progressivement l'inutilité de tout combat, ce qui paraît paradoxal, mais constitue une leçon "de taille" à intégrer dans sa vie.
Au lieu de percevoir l'agresseur comme un ennemi, le but de la pratique de l'Aïkido est de ne faire qu'un avec lui. La recherche et l'étude de l'unité commencent par soi-même. Nous apprenons à unir corps et esprit avec pour principal étalon la prise de conscience d'un bien-être physique et psychique, qu'il convient de maintenir que l'on soit ou non en mouvement. L'entraînement vise à une purification du corps et de l'esprit, afin que tout fonctionne correctement sur le plan physiologique et qu'en particulier le cerveau reste bien irrigué même en plein effort; car c'est à ce prix que les bonnes décisions peuvent être prises. La notion de prise de décision en Aïkido est liée à l'acte. Face à une situation extrême, seul l'acte compte fondé sur notre capacité à juger.
Nous apprenons donc à maîtriser le souffle, l'équilibre et, à travers la prise de conscience de notre propre biomécanique, nous essayons d'harmoniser le geste technique à la respiration. Ce perfectionnement au quotidien permet à long terme de gérer les problèmes humains propres liés aux sensations et aux sentiments trop souvent négatifs générés par le commun des mortels. Nous devenons plus ouverts, guérissons plus vite des maux physiques, passons outre les sentiments de peur (de faire mal aux autres, de se faire mal et de se faire faire mal). La symbolique des frappes, coupes, des chutes tient dans l'apprentissage de la purification : nous frappons, coupons, non un ennemi, mais l'ennemi qui sommeille en nous; tour à tour nous mordons la poussière et nous faisons mordre la poussière. Nous prenons alors conscience de la mort qui nous guette au quotidien, non pour nous en plaindre, mais pour vivre cette vie le plus harmonieusement possible avec nous-mêmes et notre entourage immédiat. Le lion qu'il nous faut dompter c'est nous-mêmes, notre orgueil, notre ego. C'est au moment où l'on s'oublie soi-même que nous existons vraiment, simplement. 

Publié dans sakuradojo

Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article